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All My Great Designs

Le pardon, le lendemain, la tristesse, les regrets, les brocolis : autant d’éléments du réel qui n’ont, au mieux, aucune utilité ; au pire, la capacité de faire chier le monde quelque chose de puissant (surtout les brocolis).

Alors on lutte, on refuse, on s’arc-boute, on se rebelle, on dit « non ! », puis « putain j’ai dit non, ça va aller maintenant ! », on avance, on pense au dessert. Parce qu’il n’y a pas de raison d’abandonner ou de changer d’avis. Parce qu’on assume, responsable, apaisé. Pourtant, ça ne suffit pas toujours.

Il y a les proches insaisissables qu’on ne sait comment aider. Les malades sous morphine à qui on ne sait pas comment dire que si, ils vont crever, qu’on les aime, mais qu’on ne peut rien y faire, et que ça ne va pas être beau à voir. Les gens qu’on aime, comme ça, on ne choisit pas toujours (le sang, l’émotion, la vie. La connerie ou l’inconscience aussi, parfois), mais qui n’en ont pas toujours envie. Ceux qui nous manquent, à vie. Et puis ceux avec qui, heureusement, c’est simplement vrai et facile.

Il est 3am, The Walkmen m’envoient un peu de courage en direct de Lisboa depuis quelques heures, en boucle. Pour me rappeler pourquoi c’est important d’être vivant, ému, faible ; et pourtant debout, les yeux vers le haut.

Demain je ne prendrai pas le train. Oh, je devrais survivre, je le prends vendredi. Pour aller voir et écouter The Walkmen, justement. Voir la Grande Ville aussi, les gens qui m’y manquent, la fureur, le bruit, les venti lattés, la Tour Eiffel par la baie vitrée de chez Isa, quelques films, des expos. Un peu futile, un peu inutile, mais j’en ai besoin.

Dans un mois, j’ai trente ans. Je n’ai jamais été aussi paumé. Objectifs, moyens pour les atteindre, envies, vision et horizon. Rien n’est en place, rien n’a de sens. Aucun sentiment d’accomplissement ou de jalon solidement posé pour préparer la suite. Mais pour la première fois, peut-être, je l’accepte. Je suis le courant, en essayant de le fléchir un tout petit peu chaque fois que c’est possible. « The sky above is blue as your blood. », les cuivres de Stranded

Putain, c’est pas gagné. Mais c’est bon d’être encore là.