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Choisir et partir

Disclaimer : Texte moyennement intéressant si tu n’es pas moi, mais j’ai une excuse, je l’ai commis dans un train.

Qu’est-ce qui est important, qui l’est suffisamment pour que cela s’impose de soi-même avec simplicité ?

Qu’est-ce qui mérite de se voir allouer les efforts appropriés à ce niveau de priorité ?

Aujourd’hui, ma vie manque de sens. Par un cheminement étrange, comme tous les cheminements de vie, j’arrive à un point où je sais qui je suis, et à peu près ce que je ne veux pas faire ou être. J’ai pris conscience que tous les possibles ne seront pas éternellement devant moi de manière assez brutale en début d’année, qu’il va falloir réduire le champ, ou à tout le moins le limiter temporairement pour ne pas battre l’air inutilement.

Reste à se mettre en chemin.

Il y a cette envie de déménager, qui commence à se préciser sérieusement, comme toujours à l’approche de la marque fatidique des trois ans quelque part, qui sera réalisée en novembre de cette année pour mon temps à Bruxelles.

Il y a des découvertes, des rencontres. Cela fait bien trop longtemps (6 ou peut-être 7 ans maintenant) que je ne peux plus répondre « oui, évidemment » quand on me demande à mon arrivée quelque part si c’est ‘pour une femme ?’, et que je ne peux plus m’amuser des sourires mal entendus de ceux qui n’ont jamais osé, ensuite.

Il y a le manque de la mer ou de la montagne, ou des deux.

Il y a l’envie du retour à un terroir particulier, différent, multiculturel, mais bien dans ses pompes. L’envie d’un vrai métro (la faute à Toulouse, aujourd’hui).

Qu’est-ce qui va faire que je vais franchir le pas cette fois-ci, ne pas partir sur un malaise mais sur une envie ?

Crédit photo : Flickr CC compujeramey

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Cinquante-huit

Cinquante-huit. On n’y fait pas vraiment attention. Ce n’est pas impressionnant, pas censé être notable.

C’est très con comme chiffre, quand on y pense. Même pas foutu de faire un compte rond, ou de faire référence à quelque chose. C’est beaucoup moins bien que quarante-deux, par exemple. C’est d’un banal !

Cinquante-huit ans. C’était l’âge de mon Père, depuis six jours.

J’ai oublié de l’appeler pour son anniversaire.

On n’y fait pas vraiment attention dans la famille à vrai dire, ce n’est pas si important. Une semaine sans prendre de nouvelles, ça passe vite. Une grosse grippe, c’est la saison, et il ne parle pas facilement de sa santé, va rarement chez le médecin, ne veut pas entendre parler d’un arrêt-maladie. Et puis on a sa vie, ses problèmes. On est un peu loin. On a tout un tas de jolies excuses toutes prêtes à servir.

Il est mort hier.

Comme ça, fragilisé en deux semaines, emporté en une nuit, effacé.

Ils ont parlé de son cœur.

*

Cinquante-huit, ça met en colère. Plutôt tempêter que pleurnicher, après tout.

C’est la mesquinerie d’une administration qui n’avait même pas le début d’un « désolé » convaincant à fournir pour faire avaler la pilule du « deux à trois ans de plus parce qu’on n’a pas su gérer, mon bon monsieur » à quelqu’un qui passait déjà sous les métiers à tisser industriels pour nourrir sa famille à treize ans.

Pas qu’on soit vraiment surpris, étant donné que c’est la même administration qui lui demande plutôt deux fois qu’une s’il est bien Français quand il faut renouveler une carte d’identité, parce que ma grand-mère a eu le mauvais goût de le faire naître à Mouscron, ces lointaines tropiques, dans la rue de l’autre côté de la frontière. On ne lui avait pas posé la question avec tant d’insistance pour l’émanciper à dix-sept ans, quand il a demandé à partir servir son pays sous les drapeaux.

Soyez contents, on est assez mauvais au jeu dans la famille. Vous ramassez le pactole, donc, puisque cinquante-huit, ça n’est pas assez pour avoir eu le temps de profiter un peu de cette obscène loterie. Heureusement, le plaisir du second tirage -assurances, notaires- reste intact.

*

Cinquante-huit, cinquante-huit, cinquante-huit.

Les traverses, les arbres du bord de voie, les roues et le moteur poussif de ce train merdique improbable de la France profonde qui me ramène chez mes parents ; tous ont cet insupportable mantra à la bouche.

Cinquante-huit ans, dont trente-et-un à aimer Maman, et trente à essayer de me transmettre à sa façon un exemple, une attitude. Des doutes, aussi. La valeur absolue de la passion et de la volonté d’excellence, comme remparts face à la médiocrité du monde et des gens, pour trouver un peu de sens.

L’honneur de subvenir aux besoins des siens. Parce qu’on n’a pas le droit de se permettre de faillir, jamais. Un orgueil brut, à vif, qu’on transforme en force qui va, qui se lève le matin, et qui se tient debout, qui fait face, qui ne recule pas. Parce que. Par amour des seuls qui comptent vraiment, sans le dire : les mots sont inutiles quand on fait.

C’est ça, avoir du cœur, et s’en servir. Un peu trop, jusqu’à l’user.

*

Repose-toi maintenant, Papa. Plus longtemps qu’un demi week-end ou qu’une nuit de six heures d’anxiété entre deux journées sur la route. Un peu trop loin du canapé du salon un dimanche après-midi, et de nous.

Je vais continuer à courir après les mots, les pages, les livres que tu aimais tant. Pour tous ces mots qu’on n’a jamais réussi à se dire calmement, pour ceux qu’on n’aurait pas dû se dire, ou pas comme ça. Pour les mots inutiles et dérisoires, les mots qui cachent ce qu’on ressent vraiment, qui sont pratiques ; la météo, l‘argent, le quotidien, les brunettes. Pour les mots que Maman essayait de porter de l’un à l’autre quand on n’y arrivait vraiment pas entre nous seuls, trop cons pour céder.

Pour tous ces mots d’avant, et pour ces mots-ci qui me restent en travers de la gorge, maintenant, et que je balance à la gueule de l’indifférence des connectés, simplement pour que ça sorte.

Mais il y a bien plus important que les mots.

Je vais faire, faire encore plus. Tout faire. Aimer. Rester debout. Saisir la vie au collet, la secouer jusqu’à ce qu’elle comprenne quelle erreur c’était de vous priver Maman et toi de la joie simple et amplement méritée de quelques années de calme, après, demain.

C’est tout ce que tu as trouvé pour finalement me pousser à passer à la vitesse supérieure -la tienne- ?

Tu gagnes. J’ai compris, je crois.

Pour la ponctualité, je ne peux rien te promettre, par contre. Partir très en avance, je ne suis toujours pas convaincu.

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A nouveau

A nouveau ces lignes 4, 5, 6 que j’ai beaucoup trop prises, à nouveau l’air et le ciel gris Paname, à nouveau Place d’It’, à nouveau Tolbiac, à nouveau ces allées, ces cafés, ces rues, que je connais encore trop bien. Au taxi qui se trompe, je fais prendre la contre-allée et le raccourci.

Et puis les fantômes. Fantôme de Cee, fantôme d’une vie d’avant, fantôme d’un Paris fantasmé. Pas de regrets, toujours pas, et ça me rassure. Simplement la vie, le courant, la suite. J’arrive à envisager de revenir un jour ici, peut-être. On verra bien, on provoquera, on improvisera.

Je retrouve dans ce bar de quartier tout ce qui fait l’ambiance de café qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Les deux étudiants, manifestement ciné : il donne des idées de scénarios complètement loufoques, elle consigne à la volée sur son notebook. Et parfois elle rit un peu trop fort à ses blagues redites en passant sa main dans ses cheveux. Ils partent, il l’aide à mettre son manteau, hésite ; lui prend la main, enfin. Regards appuyés. Ils flottent un moment, puis quittent la scène.

Il y a Roger (on l’appellera Roger), l’habitué qui habite le quartier. Seul à sa table, casquette savamment posée sur le sommet du crâne, qui lit son Parisien. Parka vintage 1993, indéboulonnable, rassurant à sa manière. Le temps passe plus lentement entre les faits divers du journal de Roger.

Un autre couple. Ça se bécote gentiment mais sans conviction. La partition est rôdée, mais sonne faux. Personne ne veut passer l’hiver seul dans cette ville, on ne peut pas trop leur en vouloir de faire un peu semblant, pour la bonne cause.

La serveuse qui commence ce soir. Gentille, détendue, mais qui ne sait pas s’il y a du Wi-Fi, qui prend le pourboire en rougissant. Et le patron qui parle un peu trop au comptoir, parce que le bar est encore un peu trop vide.

Les passants, parisiens imperturbables, sauvages, intouchables, pressés, défilent. Traversent au rouge. Rentrent la tête dans les épaules et montent le son de l’iPod. Dans la normalité de leur début de soirée, ils s’en foutent complètement que je les détaille, que j’essaye d’imaginer leur vie, d’où ils viennent, ce qu’ils vont faire ce soir.

De l’autre côté de la rue, une cave à vin, une boulangerie, une banque, un libanais. Un coin de rue comme il y en a des centaines, mais qui te fait dire que oui, tu es à Paris. C’est peut-être ça, les racines, se sentir à la maison : l’écrasante banalité qui ne ressemble à aucune autre, qui ne sent pas pareil. Celle que tu peux reconnaître à l’aveugle entre mille. C’est chez toi, tout simplement.

T’es toujours aussi pédante, tu pues toujours autant du métro, Paris, mais je peux bien te le dire après tout : tu me manques un peu quand même. Comme une amante dont on connaît chaque bout de peau, chaque frisson, chaque manie, jusqu’à l’ennui. Avec laquelle on se retrouve à nouveau parfois incidemment au lit, dans un moment de confortable égarement. Mais qu’on a bien quitté pour une raison, même si on ne s’en rappelle pas toujours très bien sur le moment.

*

Après ce début de soirée un peu qu’est-ce que le fuck, je retrouve Isa, et c’est parti pour la Flèche d’Or rénovée, pleine à craquer : The Walkmen in town tonite!

Que dire ? 40°C, déjà.

Une groupe comme à la maison. Et heureux d’être là, sincèrement. Ce petit mot glissé par un poète spectateur à la fin de Woe Is Me (peut-être) : « Bisous les gros ! »

Et gros, ils l’ont été, sans problème.

Comme toujours, les deux premières choses qui me frappent chez eux étaient là, prêtes à m’absorber immédiatement : la posture sur scène de Hamilton Leithauser, ses bras collés au corps, ce dos désarticulé ; et le jeu incroyable de régularité de Matt Barrick derrière ses drums.

Il y a ce moment à la fin de cet inespéré The Rat, où je sais pourquoi j’écoute leur musique, pourquoi je suis là, pourquoi tous ces gens sont là : le plaisir de l’émotion vraie, sans masque, sans fard, sans triche, sans révolte bavarde. Simplement ressentir.

Il y a des bouts d’âme entre les ring shots et les cymbales de Barrick.

Quelques verres plus tard, et après avoir provoqué involontairement un duel de lolfluence entre deux twittas, retour à la base.

*

Un samedi sous les auspices de la bouffe et du riz :

       Brunch gargantuesque au Café du Rendez-Vous ; cadre, service, assiettes impeccables (M° Denfert).

       Rubber au MK2 Hautefeuille. Un film génial, des chiottes d’après séance à l’apocalyptique odeur de pisse antique.

       Apéro au Troll de Ledru-Rollin, un p’tit bar à bières avec un barman qui te tutoie sympathiquement, un très bel assortiment de bières belges bien servies, et du Creedence en playlist.

       Et enfin, dîner magnifique à tous points de vue orchestré par la charmante Morue, qui en parle sur son bout de cuisine 2.0 à elle.

Retour par le premier métro vers 7am, la fraîcheur incarnée.

*

Pour achever proprement ce week-end de gagnance, j’ai flâné dans les couloirs de la très agréable (et complète) expo Brune/blonde de la Cinémathèque Française, que je conseille fortement, avant de rentrer à Bruxelles.

Epuisé, mais tellement détendu ; riche de sons, d’images, de gens. Merci beaucoup Isa pour la logistique, et tous les foufous croisés : vous m’avez fait beaucoup de bien.

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All My Great Designs

Le pardon, le lendemain, la tristesse, les regrets, les brocolis : autant d’éléments du réel qui n’ont, au mieux, aucune utilité ; au pire, la capacité de faire chier le monde quelque chose de puissant (surtout les brocolis).

Alors on lutte, on refuse, on s’arc-boute, on se rebelle, on dit « non ! », puis « putain j’ai dit non, ça va aller maintenant ! », on avance, on pense au dessert. Parce qu’il n’y a pas de raison d’abandonner ou de changer d’avis. Parce qu’on assume, responsable, apaisé. Pourtant, ça ne suffit pas toujours.

Il y a les proches insaisissables qu’on ne sait comment aider. Les malades sous morphine à qui on ne sait pas comment dire que si, ils vont crever, qu’on les aime, mais qu’on ne peut rien y faire, et que ça ne va pas être beau à voir. Les gens qu’on aime, comme ça, on ne choisit pas toujours (le sang, l’émotion, la vie. La connerie ou l’inconscience aussi, parfois), mais qui n’en ont pas toujours envie. Ceux qui nous manquent, à vie. Et puis ceux avec qui, heureusement, c’est simplement vrai et facile.

Il est 3am, The Walkmen m’envoient un peu de courage en direct de Lisboa depuis quelques heures, en boucle. Pour me rappeler pourquoi c’est important d’être vivant, ému, faible ; et pourtant debout, les yeux vers le haut.

Demain je ne prendrai pas le train. Oh, je devrais survivre, je le prends vendredi. Pour aller voir et écouter The Walkmen, justement. Voir la Grande Ville aussi, les gens qui m’y manquent, la fureur, le bruit, les venti lattés, la Tour Eiffel par la baie vitrée de chez Isa, quelques films, des expos. Un peu futile, un peu inutile, mais j’en ai besoin.

Dans un mois, j’ai trente ans. Je n’ai jamais été aussi paumé. Objectifs, moyens pour les atteindre, envies, vision et horizon. Rien n’est en place, rien n’a de sens. Aucun sentiment d’accomplissement ou de jalon solidement posé pour préparer la suite. Mais pour la première fois, peut-être, je l’accepte. Je suis le courant, en essayant de le fléchir un tout petit peu chaque fois que c’est possible. « The sky above is blue as your blood. », les cuivres de Stranded

Putain, c’est pas gagné. Mais c’est bon d’être encore là.