Des gens qui changent d’idée, qui changent de projet. Des gens qui ne changent pas d’idée, ou pas vite. Jamais assez vite.
Sur un coin de comptoir, chez des amis, lendemain de cuite, comme trop souvent ces temps-ci, me fait-on plus ou moins discrètement remarquer, dans l’entourage. Le café coule, moment idéal pour réfléchir un peu au sens de la vie et à tout ce à quoi 42 ne répond que dans les livres.
Il y a ceux qui prennent les jours les uns après les autres, sans direction, sans vague. Et il y a ceux qui cherchent un sens, sans pouvoir s’en empêcher. “You’ve lost your head in the snow and you can’t find your way home. And if you die before you wake, they’ll make up songs about you.” C’est pas vraiment très drôle ces deux albums de Lost In the Trees que j’écoute en boucle, c’est sûr.
Il y a ceux qui veulent être sérieux. Sérieux pour tout, envers et contre toute joie. Parce qu’il le faut, parce qu’on les a éduqués comme ça. Sérieux jusqu’à la nausée. Ratant le but, les choses importantes ; sérieux sans distinction, presque vulgaires. Et il y a ceux qui préfèrent se réfugier dans la dérision, l’ironie, le détachement. L’élégance de la distanciation, qui permet de signifier clairement l’ordre des choses. Parce que bien au fond, on s’agite quelques années, et puis on passe. Pourquoi y attacher tant d’importance ? Ou plutôt, justement, s’assurer que ce à quoi on passe du temps, de l’énergie, est bien au coeur de ce qui est important. Du chaos et du relativisme, extraire le sens.
Oh et puis il y a les jours où l’aspect solitaire de la quête ennuie. Pas qu’on ne soit pas capable d’être soi-même sans l’autre. Mais c’est juste plus riant. Alors en attendant on rit pour soi, on essaye de faire rire tout ce qui bouge. Et puis c’est moins effrayant de regarder demain avec une main dans la sienne. Supporter la folie ambiante, la connerie ordinaire, et le manque d’à-propos des contemporains. Si cette main reste là assez longtemps pour que les projets ou les rêves prennent forme, évidemment.
Demain, il va falloir à nouveau tracer sa route, debout, de front. Parce que le banquier, parce que les projets, les trains et les avions qui n’attendent que toi pour partir, les années qui passent.
Mais ce soir, on va pouvoir peut être voler quelques heures à ce sérieux, à ce sens, à ces changements. Une playlist, un bon bouquin. Une petite vengeance, un pied-de-nez confortable et dérisoire. Demain.