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Les événements de l’écosystème de l’innovation vaudoise : le retour de la vengeance présentielle et des plateaux de fromages

Ça faisait longtemps. Il y a eu mes premières vingt minutes dans un bar de nuit, un des premiers soirs après la mise en place du scan du certificat COVID ici en Suisse. C’était chelou, j’ai eu besoin d’aller boire ma bière dehors, pas à l’aise.

Cela m’a aidé ces deux dernières semaines à mieux gérer la bizarrerie de la reprise d’événements locaux physiques à plusieurs dizaines voire centaines de personnes, avec de longs moments de conférence ou de partage de buffets sans aucun masque à l’horizon (puisque c’est le protocole courant ici et dans beaucoup d’autres pays : tu montres le QR code de ton certificat de vaccination complète / guérison / test récent et une pièce d’identité, et tu peux te balader dans l’événement sans masque, “comme avant”). Après des mois à porter un FFP2 plusieurs heures par jour, il y a un temps d’adaptation.

Par contre, toujours pas de vaccin luttant contre les vestons gris mal taillés et favorisant l’émergence de plus de hoodies colorés aux design qui claquent, mais j’ai confiance en la science.

To be a startup or not to be, kein Problem

C’est une conversation interne chez Kargobike depuis plusieurs mois: ça nous fait toujours marrer quand on nous présente comme une “startup”, ou au contraire quand on nous snobe dès qu’on ne nous présente pas ainsi.

Pour briser le suspense: nous n’en sommes pas une. Un modèle d’affaires qui a 5000 ans passés (invention de la roue, vers -3500 en Mésopotamie, autant te dire que ça fait un moment qu’on sait combien ça coûte et combien ça rapporte de bouger des gros trucs), une croissance du chiffre d’affaires au mieux linéaire, et par-dessus le marché (!), une transition vers la coopérative rendant impossible la spéculation: investir chez nous dans l’avenir (Kargobike est une aventure auto-financée à ce jour), c’est co-construire des communs en lien avec la fabrique de la ville (des systèmes de mobilité durable), pas espérer une bascule sur une revente ou une introduction en bourse.

C’est toujours rigolo de me présenter comme ouvrier pédaleur et chef d’entreprise, co-fondateur d’une PME locale du transport, par contre.

Bullshit fatigue, et raisons de continuer à assister et soutenir

Il y a des choses qui ne me manquaient vraiment pas dans l’entre-soi événementiel local, et d’autres qu’il est très plaisant de retrouver. Comme j’ai souvent été du côté “organisation” de la barrière, voici quelques observations pratiques qui sautent aux yeux après tant de temps sans rassemblements physiques.

D’abord, la technique de pitch. Surtout si vous tenez un programme d’accélération. À part dans de très rares cas, les spin-offs d’une grande école tech ont rarement une équipe incroyablement remarquable. Ne leur faites pas gâcher un temps précieux sur scène à dire des banalités sur la diversité incroyable de leur équipe (tous ingé du même labo) ou combien iels sont douéexs et motivéexs (on espère). Faites les un peu bosser sur la démonstration d’une traction, ou de comment iels vont faire un peu de thunes avec leur super concept. Ou dire explicitement de quoi iels ont besoin. Ou expliciter une promesse de valeur claire et concise (les diapo où, après avoir lu quatre phrases de 200 caractères minuscules chacune dans une liste à puces, on ne comprend toujours pas ce que ces gens font concrètement, personne ne les relit ou bien?).

“L’innovation vaudoise” est un petit monde, que je pratique depuis bientôt 10 ans, avec trois casquettes d’activités successives très distinctes (innovation médias, tiers-lieux et bio-hacking, et maintenant, cyclologistique et mobilité). Il y a celles et ceux contents de me recroiser, et c’est toujours rigolo d’être présenté par ce que je faisais avant, et de surprendre avec mon activité actuelle. D’ailleurs, il faut que j’écrive plus précisément le lien entre tout ça, il y en a un. Ce qui permet, à force, de commencer à croiser les personnes pertinentes plus simplement, d’être présenté par des tiers de confiance plus rapidement. Rapprochez-vous des directions de l’économie et des personnes en charge des institutions de promotion de l’innovation, des clusters industriels, et cherchez, s’ils existent, les groupes de travail liés à votre domaine (rejoignez, favorisez, contribuez à ce genre de choses). Leur job est de rencontrer et cartographier, donc facilitez-leur la vie et soyez remarquables et facilement mémorisables (cf. supra, bossez votre pitch). Il y en a peu dans la région, mais la remarque s’applique aussi aux journalistes spécialiséexs.

Un petit point “profils neuroatypiques et majorité extravertie”, et “micro-travailler depuis n’importe où”: on ne voit pas encore assez systématiquement d’espaces prévus dans les événements pour pouvoir s’isoler et se recharger au calme un moment (pour les personnes qui fonctionnent ainsi), voire recharger un appareil électronique et envoyer quelques emails / prendre un appel rapidement dans de bonnes conditions. Si vous arrivez à prévoir un espace fumeurs, prévoyez un espace bosseurs. Dans le doute, il y a probablement des spécialistes locaux capables de vous aider à aménager un coin “pop-up coworking” simple et efficace dans votre événement.

La curation avec les pieds existe: si vous ne vous sentez pas à votre place dans un événement, allez prendre l’air ou explorez une autre zone du lieu un petit moment. Ou partez, tout simplement, si vraiment l’ambiance ne vous convient pas. Inutile de vous acharner si ça ne joue pas.

Si comme moi vous êtes plutôt du côté gauchiste de la Force, créez le contraste, favorisez le lien. Fréquentez les chambres de commerce, les événements marqués très “économie et patronat”. Déjà, les gens de droite sont aussi vos clients (et il ne vous aura pas échappé qu’iels sont un peu majoritaires par ici), et porter des idées un peu différentes et minoritaires ne peut pas faire de mal à ces institutions. Pas mal de choses se passant à l’interstice, il y a toujours un bonus pour celles et ceux capables de faire des ponts entre groupes ne se parlant a priori pas. À quelqu’un me demandant récemment ce que je faisais dans “le temple du capitalisme”, j’ai répondu que je venais simplement faire des affaires. Ça l’a détendu.

Les personnes élues ou représentant une institution qui font les paroles introductives ou la présentation de lancement, par pitié, faites un effort. Tous les gens présents ont un agenda et bossent dur, et pourtant, iels restent quelques heures. En vous enfuyant juste après votre passage sur scène, 20 minutes montre en main café et bonjour aux organisatrices compris merci bisous, vous échouez dans au moins trois domaines:

  1. vous manquez de respect aux gens dont l’impôt paye votre salaire. Dans un contexte plutôt peu favorable à l’État dans la plupart de ces communautés, vous vous tirez une balle dans le pied en snobant ainsi les gens. Envoyer le signal que votre message est le plus/seul important est par ailleurs d’une cruelle incompétence, surtout dans un cadre où vous venez par exemple demander de l’aide et de la collaboration sur un sujet que la société civile maîtrise mieux que vous, ou présenter un bilan mitigé,
  2. la partie la plus intéressante de l’information s’échange en général pendant la discussion, après votre départ. Vous vous privez ainsi de précieux signaux faibles pour améliorer plus vite vos politiques. Votre communication descendante apporte peu de valeur en général, alors que la communauté de pratique présente a beaucoup à vous apprendre ou à vous demander,
  3. vous empêchez aux gens en ayant besoin, ou dont vous avez besoin, de venir vous parler rapidement et directement (le but premier d’un événement physique, donc). C’est ensuite une purge infinie de vous recontacter, quand vous répondez à vos emails. D’autant qu’avec un tel signal d’intelligence émotionnelle envoyé, ça ne donne pas exactement envie de bosser avec vous.

Pour les entrepreneurs ou les gens qui ont quelque chose à vendre, résistez à l’envie de sauter sur la Conseillère d’État ou le Municipal présent. Le risque de mettre les gens mal à l’aise car pas préparés sur un sujet précis (le vôtre) est grand, d’une part. C’est avec leurs cabinets et les administrations qu’il faut préparer le terrain, d’autre part. Du coup, côté organisation, si c’est bon pour l’égo et les sponsors d’avoir ce type d’intervenants sur scène, n’oubliez pas d’inviter aussi les fonctionnaires pertinentexs sur le sujet (bien en amont), et de vous assurer de leur présence un bon moment sur place, pour que l’apéro soit plus productif pour tout le monde.

En parlant d’apéro. Nous sommes dans un canton agricole qui aime mettre en valeur les produits locaux, donc en général le buffet est bien garni, le fromage et le vin blanc coulent à flots. Restez raisonnables, et tapez aussi dans le jus de fruits – eau gazeuse, vous resterez plus longtemps en état de prospecter et de ne pas vous ridiculiser, surtout après presque deux ans sans entraînement. C’est un petit milieu, ne gâchez pas les occasions de faire bonne impression bêtement.

Enfin, ne vous rendez jamais à un événement professionnel si:

  1. vous êtes de mauvaise humeur ou pas en forme: ça ne crée pas un cadre favorable à vous faire remarquer ou à être disponible pour les autres,
  2. vous n’avez pas une préparation minimale. Par exemple, la version “20 secondes un verre à la main dans un lieu bruyant” de votre pitch. Une phrase qui suscite la curiosité, et incite vos interlocutrices à poser des questions, plutôt que quelque chose de complet. Pour Kargobike, en ce moment j’utilise “On bouge jusqu’à 300 kilos sur de gros vélos”. C’est la partie qui se retient facilement. Je parle de nos activités de conseil ou de gestion de flottes de vélos partagés plus tard dans la conversation si ça se présente. Si j’identifie que quelqu’un peut concrètement nous aider, je l’explique rapidement sans détour. De même, si je sens une synergie potentielle, je n’hésite pas à demander aux autres si et comment nous pouvons les aider. Stickers ou cartes de visite, voire tee-shirts et autre vêtements personnalisés à votre marque si c’est votre truc (il m’arrive de me pointer en jersey, veste et gapette de vélo quand je veux me faire remarquer, mais n’en faites pas trop dans un truc que vous sentez très conservateur), en tout cas une façon simple de vous retrouver, prête à partager,
  3. vous n’avez pas prévu un moment le lendemain pour le suivi des gens rencontrés. Emails, contacts LinkedIn personnalisés rappelant le contexte (certaines personnes enchaînent les événements, c’est utile de rappeler où vous vous êtes croiséexs, voire de quoi vous avez parlé, en quelques phrases, pas un roman), et surtout, envoi des informations ou documents promis à des prospects potentiels, et tenue de votre CRM (logiciel de suivi des prospects et clients) interne.

D’ailleurs je vous laisse, je dois écrire à mes rencontres d’hier.

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It’s never been about office desks: community stories. #web2day 2019, Nantes

Yesterday in Nantes, Rasa Strumskyte and I hit the Atlanbois stage for the Web2Day festival, to discuss coworking in this day and age, and way more.

Our goal was not to comment on Talent Garden’s recent fundraising aiming to open great community campuses in cities “too small” for WeWork. It’s been vastely commented already, and I’m sure Real Estate nerds and I will widely dig into that next November in Warsaw.

We wanted to take the time to explain how do we live, learn, collaborate and share in those spaces, how do work and life happen in coworking communities and shared hybrid spaces, globally. People in the room were almost all “coworking virgins”, so we tried our best to keep it as simple and precisely rooted into everyday dynamics as we could.

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Coworking Coworking Troubadour Gigolette influente Maintenance & Annonces Parfois je me pose des questions plus ou moins à la con

Jamais de résolutions

Redémarrer. Avoir, prendre, recevoir le luxe de tout poser, bien à plat. Et penser fort à sa vélocité. Ne jamais prendre de résolutions de début d’année.

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Où est Shalf ?

Dans la cuisine ? Pas seulement, je ne suis que le non-dominant cook de mon couple (pour baver sur des recettes, il faut aller sur le blog de ma brillante épouse).

En ce qui me concerne, je vais profiter de ce court billet pour vous préciser deux choses :

  • Où j’écris en ce moment, utile si me lire avidement fait partie de votre rituel hebdomadaire,
  • Où je serai visible sur scène ou dans la salle ces deux prochaines semaines.

Un mème de l'ami Eric Butticaz - https://twitter.com/EricButticaz/status/371649981423169538
#walkingshalf : un mème de l’ami Eric Butticaz

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Retour à Lift

J’ai découvert la conférence Lift en 2013. C’était aussi l’année de mon premier SxSW. L’année suivante, dans la dynamique Medialab Session, nous avons expérimenté ensemble autour de la couverture live communautaire dans le cadre d’une Newsroom expérimentale (bilan très mitigé, beaucoup de choses apprises en route).

Cette année j’y retourne. Pourquoi ?

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Nouvelle série de billets : Coworking Troubadour. s01e01 : Ramon Suarez, Betacowork, Bruxelles

J’ai décidé de commencer cette année par une série de questions à poser à des gens qui m’inspirent depuis longtemps professionnellement.

On commence cette semaine par un ami bruxellois cher, Ramon Suarez. En plus d’être un humain particulièrement généreux, Ramon a toujours été pour moi une inspiration dans la façon de mettre l’humain et l’action au cœur de toute activité professionnelle.

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Ce qui change dans ta vie avec le coworking

Après cinq ans de travail acharné de documentation personnelle plus ou moins ordonnée, de rencontres et de pratiques du coworking, il est temps de procéder à une restitution. Premier d’une série (ou pas), ce billet va permettre de poser quelques traces dans un coin propre, d’où je viens et où j’espère me rendre dans cette communauté européenne et mondiale. Et surtout, détailler quel est son impact sur les écosystèmes de l’innovation et ceux qui font plus que prononcer ces buzz words, qui les vivent.

A chaque fois qu’on me demande d’expliquer ce qu’est le coworking pour moi, je repense à cette photo.

Laptop Superstar, Coworking Europe Conference, Barcelona, nov. 2013 — Curtesy of Stefano Borghi www.stefanoborghi.com
Laptop Superstar, Coworking Europe Conference, Barcelona, nov. 2013 — Curtesy of Stefano Borghi www.stefanoborghi.com

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Gigolette influente Parfois je me pose des questions plus ou moins à la con

Police de la créativité jurassienne, vos papiers siouplé !

Cela fait cinq jours que j’arpente l’Arc Jurassien à bord du #labdavanac, le van connecté de mon pote Damien qui nous sert de newsroom mobile, en compagnie également de Benoit, vidéaste de talent (entre autres). Toutes sortes de sympathiques personnes ont embarqué à tour de rôle avec nous, des membres de Système J, l’initiative associative qui nous donne cette opportunité, aux journalistes locaux en passant par de créatifs et déjantés jurassiens de naissance ou d’adoption. C’est le #systemeJontour et son backtrack géolocalisé, dans le cadre de la Semaine de Créativité au Jura #sdlc2015. Viens on t’emmène (fieu).

labdavanac_sdlc2015

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Coworking Gigolette influente Open World Social Media & Lolfluence

Tiers-Lieux et plus si affinités #tiliosdesign

J’ai eu le privilège de présenter sur scène la journée IN de la Biennale Internationale du Design de Saint-Etienne 2015 intitulée « Tiers-Lieux et plus si affinités » il y a une quinzaine de jours. C’était mon second séjour à St-É’, à l’invitation de mes compères et vétérans de la scène coworking francophone Yoann Duriaux et Antoine Burret, qui animent la POC Foundation, dont je suis membre.

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Coworking DIYbio Gigolette influente Parfois je me pose des questions plus ou moins à la con SxSW 2015

Pourquoi aller à #SxSW (une 2e fois) ?

2013 était une excellente année pour découvrir South By South West (de son petit nom #SxSW, donc), le festival américain rassemblant chaque année plus de 35’000 furieux de Hi-tech en tous genres pour sa partie « Interactive ». Il a lieu cette année du 13 au 17 mars, et j’y suis.

Découvrir Austin

2013, donc. Découverte d´Austin sous le soleil de mars, découverte de la 6eme rue dans sa beauté nocturne et la folie des costumes sponsorisés de tous ordres : la chouette d’Hootsuite, le logo improbable de la 78e app qui se lançait ce soir-là et qu’on essayait de nous vendre dans un vacarme assourdissant et une ambiance de carnaval, des marques d’alcool… toute la folie commerciale de la tech, de l’Amérique, sont là. Découverte des participants à la GCUC (prononcez « juicy », pour Global Coworking Unconference Conference) qui s’achevait la veille d´Interactive cette année-là, découverte de leurs histoires et de leurs parcours au gré des soirées plus ou moins sauvages, plus ou moins officielles, plus ou moins confidentielles, dans toute la ville. Apprentissage qu’un hôtel situé dans North Austin est toujours une mauvaise idée pour l’enfer logistique qui s’en suit, alors qu’un BBQ est toujours la meilleure idée dans cette ville.

Marié depuis moins de 6 mois, c’était aussi mon premier voyage avec mon épouse, mais seulement pour une partie de celui-là : cinq jours à New York, puis je m’enfuyais pour mon premier « souce baï » comme on dit en francophonie, pendant qu’elle traversait Central Park sous des tombereaux de neige quelques jours de plus puis rentrait chez nous.

Première grosse conférence américaine, première fois à Austin. Et une vilaine crève attrapée dans le froid new-yorkais qui me fera garder le lit presque 3 jours sur les 6 que je devais passer sur place.

« Tout ce que je sais du business, je l’ai appris dans D&D »

Un des premiers moments marquants fut pour moi la présentation #Chaotic de Phil Libin, CEO d’Evernote. Première fois que je voyais un CEO américain pitcher son entreprise tech sur scène. Evidemment jeans et petite veste. Evidemment t-shirt aux couleurs de sa boîte. Même quand on est Phil Libin et que le monde entier utilise ton produit. Surtout quand on est Phil Libin, en fait.
On peut encore retrouver l’intégralité sonore de cette présentation, introduite par Robert Scobble sur Soundcloud.
Enfin je voyais en action l’intuition que j’avais depuis des années, moi qui tentait de commencer une carrière sur la base de ce que j’avais appris à la dure des interactions communautaires comme officier de guildes de jeu vidéo massivement multijoueur à univers persistant, en ligne donc. Phil Libin explique le plus simplement du monde que tout ce qu’il sait du business, il l’a appris dans Donjons & Dragons. Qu’il ne croit pas au jeu à somme nulle, et que donc être Chaotic Good, en affaires comme dans la vie, est la façon la plus simple de faire quelque chose.

Bien sûr il a montré les slides de ses premiers pitches à des investisseurs, avec les classiques graphiques de croissance exponentielle du nombre d’utilisateurs (je faisais partie de ceux-là, et je deviendrais utilisateur premium quelques mois plus tard, pour le rester depuis). Bien sûr il en a fait des caisses. C’est le CEO d’une « 100-years startup », ou qui aimerait bien le devenir, après tout. C’est la présentation (la consécration ?) d’un des rares CEO de l’époque pas obsédé par une future introduction en bourse, même s’il y pense.

Tant d’autres découvertes : les food trucks à l’américaine, un improbable BBQ joint le jour du départ, l’IPA coulant à flots dans certains espaces de coworking non loin de la 6e rue, et les belges présents à Austin paradant avec des chapeaux publicitaires remplis de badges de nos nouveaux et éphémères meilleurs potes. J’ai toujours le mien quelque part dans un tiroir à la maison. Des stickers, dont certains sont toujours des pièces maîtresses de la collection vivante exposée sur mon laptop, et des milliards d’autres goodies.

@garyvee

Et puis il y a la bête de marketing personnel. Découvert deux ou trois ans plus tôt en Belgique dans les couloirs du siège d’Emakina à Bruxelles ou pendant une nuit au Bar du Marché, grâce à Jim : Gary Vaynerchuk. « Son premier bouquin s’appelle ‘Crush It!’, mais il est un peu superflu pour toi, tu as déjà dépassé cette étape. Mais tu dois lire « The Thank You Economy » absolument ! ». Jim avait raison, comme souvent dans ma période bruxelloise (sauf pour une certaine bague). Je viens de débuter comme Junior Conversation Manager, repéré sur Twitter pour mon aisance sur ce réseau. J’allai imploser en vol au bout de quatre mois, mais c’est une autre histoire. @garyvee théorise dans «  The Thank You Economy », chiffres et bibliographie pharaonique à l’appui, pourquoi et comment le marketing en ligne doit viser la relation fidèle de long-terme, et comment la gratitude se crée au sein de l’échange patient et attentif bidirectionnel. Pourquoi les nouveaux clients de notre temps voudront acheter : par gratitude. On parle à l’époque d’usages américains déjà très grand public, alors que les grandes marques européennes ne sont pas sûr qu’avoir une page Facebook ou un compte Twitter soit une bonne idée. Avec un stagiaire, peut-être.
Austin, couloirs du Convention Center. Zone ne nécessitant donc pas de détenir le précieux sésame qu’est le badge d’accès à la conférence pour y circuler. Le type a refusé de faire une des « major keynotes » (3 à 5’000 auditeurs minimum garantis suivant la salle). A la place, il est venu avec un stand gris, une espèce de comptoir surplombé d’un bandeau portant simplement son compte twitter peint en discrets caractères blancs : « @garyvee ». Et ça fonctionne. Ses fans font la file, poliment, calmement, pendant quasiment toute la journée. Il parle avec chacun d’eux, dédicace des bouquins, prend des photos qu’on n’appelle pas encore selfies. Le temps file. Je ne suis arrivé qu’à la mi-journée, je fais partie de la grosse vingtaine de ceux qui attendent encore leur tour quand Gary annonce qu’il va bientôt devoir aller prendre son avion. Alors un cercle se forme, et il propose aux plus hardis de prendre la parole, de se présenter. Quand viendra mon tour, ce sera simplement un « Since I read your book, and you are getting behind schedule, let’s cut the crap: Thank You. » Regards. J’ai mon édition hardcover de « The Thank You Economy » dans les bras. Sans un mot, il s’en saisit, la signe, me sert la main: « Thank YOU, Yann. ». Il fait le job.
Les bénévoles que j’aborde après son départ sont épatés : « on ne sait pas qui est ce mec, mais on n’a jamais vu ça, une file aussi longue, aussi longtemps ! ». Je le croiserai à nouveau à Londres un an plus tard pour la signature du bouquin suivant, grâce à Neila et un coup de bluff lié à la Medialab Session, propulsée partenaire média officiel de cet événement unique en Angleterre… suite à un simple tweet de ma part. Il me dédicacera un exemplaire avec un rhinocéros pour ma femme, alors en train de devenir consultante et productrice de contenu indépendante (comment, tu ne lis pas son blog ?!).
Le type en fait trop, il a des centaines d’heures de podcast vidéo derrière lui, d’abord pour déguster et vendre du vin, puis pour mettre en scène son agence de communication, et certains le détestent. Son dernier bouquin, presqu’un manuel, n’est pas le plus puissant, même si le concept est encore plus affiné : « Jab, Jab, Jab, Right Hook », soit « Give, give, give [to your community], then ask[/sell] ». Et pourtant il fait sûrement gagner un temps fou à des milliers d’Account Managers d’agences spécialisées médias sociaux dans le monde, si leurs clients savent lire. Gary Vaynerchuk en fait trop, mais son portfolio d’investisseur, incluant Twitter et d’autres grands noms de la tech et des apps aujourd’hui, parle pour lui. Un des premiers utilisateurs, suite au lancement confidentiel en 2006… à SxSW. Evidemment. Quelqu’un dont on peut apprendre beaucoup donc, surtout au vu du poids qu’a eu et a encore Twitter dans mon parcours professionnel et personnel ces six dernières années. Un type qui continue à répondre aux mentions dès qu’il a cinq minutes dans un taxi, même depuis qu’il a dépassé le million d’abonnés.
Cette année, Gary a cédé aux sirènes des 5’000 fans chauffés à blanc, et sera sur la scène de SxSW Interactive avec l’ex-CEO de GE pour une conversation qui s’annonce d’ores et déjà épique.

WiFi & culture

Y a-t-il une mythologie de l’homme blanc trentenaire startuper dans la tech ? Si oui, le pèlerinage se fait à Austin, et le Convention Center en est le temple.
Le seul endroit au monde où j’ai vu de mes yeux un directeur/VP de Cisco se balader avec des seaux entiers de relais WiFi dans les mains, vérifiant nerveusement sur son smartphone les indications des gens qui l’interpellaient sur son compte Twitter personnel pour aller en jeter par poignées dans les pièces du Convention Center où le WiFi se faisait faible.
Le seul endroit au monde où on a laissé rentrer mon groupe de potes en VIP dans une fête parce que nous dépassions les 10’000 abonnés twitter à nous six et que nous avions accepté de tous télécharger l’app de la startup qui recevait sur le champ, devant le videur, avant de se faire arroser de hotdogs et de bières toute la nuit.

Le premier rassemblement professionnel de ma nouvelle vie où je n’ai pas eu à expliquer ce que je faisais en tant que « Conversationalist », le titre qui figure sur mes cartes de visites depuis 2012, et où on a pu rentrer dans le vif du sujet immédiatement : parler de nos communautés en ligne ou physiques respectives, de leurs densités, de leurs impacts, de leurs ambitions. Où « Community Manager » était déjà désuet, incomplet, obsolète.
D’autres endroits suivront cette même années 2013 où je me sentirais chez moi. Par exemple avec ma première participation à la Coworking Europe Conference à Barcelone, après avoir micro-crowdfundé mon budget (et un peu plus pour la communauté) pour y aller.

SxSW Interactive, l’endroit où toute personne se disant « startuper » voire « entrepreneur disruptif » (sic) en Europe doit un jour mettre les pieds pour savoir de quoi il parle, et à quelle culture il appartient, d’où il vient, s’il y appartient vraiment. L’endroit où « High risk & High growth » ne sont pas que des mots. Pour comprendre ce que c’est qu’un Trade Show où on joue de la guitare hawaïenne et où on te remet une serviette en papier imprimé pour que tu te souviennes du nom de l’app parmi 500, 1000 autres. Coucou Napkin.io, où que vous soyez aujourd’hui : vous aviez tout compris. La preuve, vous êtes gravés au fer rouge dans ma mémoire, 2 ans et quelques centaines de rencontres plus tard. L’endroit où cette culture si fortement liée aux arts — SxSW, c’est également et depuis bien plus longtemps un festival majeur de musique et de cinéma se déroulant sensiblement en même temps dans la ville — s’est développée, accompagnant ou précédant toutes les évolutions majeures des technologies liées à Internet de ces 10 dernières années. Il faut d’ailleurs lire le passionnant « SxSWi Uncensored » pour comprendre l’oralité, la vivacité de cette culture du flux, et les différentes époques et prises de pouvoir éditorial de divers groupes d’influence.

SxSW, la conférence qui s’empare de la medtech comme si c’était naturel. La prochaine frontière hi-tech. Le prochain enjeu majeur ; une des raisons qui donne tout son sens à mon engagement sans compter dans l’aventure Hackuarium / UniverCité aujourd’hui.
J’espère pouvoir servir d’éclaireur à ma communauté élargie en Suisse romande sur ces sujets cette année. Le défrichage à faire est immense, dans un pays (la Suisse) où plein de gens mortellement sérieux demandent encore à des entrepreneurs de remplir des Business Plans inutiles et obsolètes avant même d’être achevés au lieu d’apprendre à savoir qui sont vraiment leurs clients et leurs besoins. Les mêmes qui regrettent ensuite l’échec d’ingénieurs n’ayant jamais reçu le moindre cours de Marketing 101 dans leur formation. Le monde avance, les gars. La multitude des clients connectés a repris le pouvoir. Sans vous.

Parlons et agissons en avril

Je suis disponible à mon retour dès le 23 mars ou plus tard cette année, partout en Suisse romande, pour échanger à ce sujet et présenter les résultats de mes pérégrinations aux professionnels le désirant. Plusieurs formats sont envisageables pour presque pas cher, du déjeuner à la masterclass.
Un de mes rêves complètement improbables serait d’y retourner l’an prochain ou dans deux ans avec une délégation romande clairement identifiée. Ou ailleurs, mais ensemble. D’autres l’ont fait en francophonie, et ce fut déterminant pour toute une génération d’entrepreneurs. Je suis donc également disponible pour mettre ça sur pieds, sans tarder.

SxSW, l’événement qui m’a permis d’arrêter de douter pour de mauvaises raisons, qui m’a permis de rencontrer ou revoir tant de professionnels passionnants, dont certains sont devenus des amis proches : I belong here. And here I come again!