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Gigolette influente

Corajoud, c’est le goût

Il y a d’abord la légende.

Le sage dont tout le monde parle, le flâneur lausannois par excellence, le grand maître des chemins secrets, des passages oubliés, des recoins de ville isolés où les voitures ne sont plus qu’un lointain souvenir. Au point où la première inconnue apprenant que je suis à Lausanne depuis peu me conseille ses livres, ou mieux, de participer à une de ses célèbres balades commentées. Ma Lausannoise à moi m’offre d’ailleurs un de ses guides dès qu’il devient clair que je vais m’installer ici.

Une fan alerte en pleine action, soutirant au maître de promenade l'adresse de la destination finale (crédit photo : funambuline)

Dont acte. Après mon premier contact avec l’organisation que déploie la commune de Lausanne dans le cadre de la manifestation Ville du Goût 2012, je rempile pour une découverte de la levure lausannoise dans tous ses états – bières et pains – orchestrée par M. Corajoud himself.

Pour l’instant, la meilleure idée de mon début d’été.

Listons rapidement les endroits découverts ou confirmés grâce à cette promenade intelligente, faite de bouts d’escaliers bien planqués, de raccourcis insoupçonnés et de galleries discrètes, qui a le bon goût de commencer dans mon futur ex-quartier :

– Le Pi Bar, où Bonpourtonpoil veut absolument que nous fassions une de leurs soirées dégustation au plus vite. La plus grosse carte de Suisse Romande (environs 140 bières différentes !), et une indépendance de bon aloi, sans aucun contrat avec les gros distributeurs. La surprise du jour : la Rogue Pale Ale, une bière américaine (ce n’est pas une coquille) à la pression, au genièvre, simplement incroyable.

– La Boulangerie du Valentin (pain au levain), au 66 de la rue du même nom. Madame Grin (ça ne s’invente pas) se fera un plaisir de vous servir ce bon pain à l’ancienne avec le sourire et la simplicité des honnêtes artisans. C’est son fils qui officie au fournil depuis 8 ans, ayant repris la suite de son père.

– La Brasserie du Château : si vous raffolez des bières de type anglais, ne cherchez plus : leur Stout et leur Indian Pale Ale font plus qu’honnêtement le travail. Et comme une levure peut en cacher une autre, vous pourrez manger diverses spécialités à la pâte à pain (leurs pizzas, notamment) pour éponger tout ça. Ils n’ont pas l’air comme ça sous leurs airs débonnaires, mais ils brassent (et écoulent) 80.000 litres de bière par an.

La Panetière (boulangerie – pâtisserie, spécialité de flûtes vaudoises, au moins quinze sortes que l’on s’arrache en venant parfois de très loin), non loin du Café de Grancy, qu’ils fournissent en pain au levain. Madame Bornan, toute timide, laisse le jeune pâtissier nous présenter leurs produits : “je ne suis pas un spécialiste de la jolie dorure à la feuille, mais ce que je fais est bon, honnête, vrai. J’aime mettre en valeur les produits.” On goûtera aussi, s’il en reste, leur “gâteau à la crème”, à se damner (oui, j’aime la crème, KESKIYA ?). Son nom exact m’a échappé, on mastiquait, voyez.

– Le Bar-Tabac (et les bières du Docteur Gab’s, présentées par un des fondateurs de la Brasserie) : on ne présente plus cet endroit aux dingues de bières belges du coin, un des rares qui peut se targuer de savoir servir une Hopus et d’avoir les verres pour ce faire. Les amateurs de bon thé à la menthe y trouveront également plus que leur compte. Attention, ils ferment à 21h en semaine, on préférera y passer une après-midi de congé en compagnie de leur excellent Wi-Fi et d’un large échantillon de presse locale et internationale.

Je ne vais pas vous assommer de liens Foursquare ou Google Maps, vous êtes de grands enfants maintenant, tous ces endroits se trouvent assez facilement une fois qu’on sait ce que l’on cherche.

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En fin de balade, posés peinard au Bar-Tabac une pintje à la main donc (team Tripel Karmeliet), Pierre Corajoud me tend un petit flyer, l’air de rien : “C’est une balade que j’organise la semaine prochaine, y’aura de la bonne musique, et un lieu insolite pour l’écouter”.

C'est pénible à la fin tous ces très moches endroits dans cette ville (crédit photo : funambuline)

Effectivement. Au beau milieu de l’herbe fraîchement coupée d’un petit parc, vue sur le Lac et ambiance de Little Montmartre, le Cookie Shine Quartet (basse, guitare, sax alto et chant) reprend avec entrain devant 130 personnes les standards accessibles, pas vraiment tous jazz, de Sunny à Make You Feel My Love “par Bob Dylan et Adele”. Pour conclure, un Crazy, Gnarls Barkley, terriblement enjoué et sincère, Matthieu (basse et chant) et Mélanie (chant) se renvoyant joliment la balle et le micro. Ces quatre musiciens en devenir font partie de la section pré-professionelle de l’EJMA, partenaire de la manifestation, et s’en sortent très honorablement.

Fin de prestation, une petite heure musicale. Les guitares, les câbles et les amplis branchés sur l’électricité qu’un voisin procure aimablement rejoignent leurs housses, j’en profite pour m’approcher de Pierre Corajoud et lui tendre le micro de mon téléphone… qui m’abandonne lâchement (ça m’apprendra à partir la fleur au fusil sans tester mes apps avant). Au jeu des questions – réponses, l’homme est habile, agréable, souriant.

Bonsoir Pierre Corajoud. Où sommes-nous ?

Nous nous trouvons dans le Parc du Languedoc, un petit bijou de verdure peu connu du grand nombre. Un coin secret qu’on découvre un jour par hasard en se baladant dans le quartier. Des vignes, la vue sur le Lac, une superbe lumière de soleil couchant…

Après une balade justement, nous venons d’écouter du jazz. Quand on se renseigne un peu sur vous, on s’attendrait à discuter grands classiques du rock. Pourquoi le jazz ?

(Rires) J’aime beaucoup le jazz également ! C’est une musique qui ressemble beaucoup à la marche, qui se marie bien avec elle. Ses rythmes subtils invitent à la rêverie, à la flânerie, au plaisir calme. Elle détend, elle apaise, elle aide à la réflexion pendant la promenade. Oui, c’est vraiment le rythme du jazz qui me semble s’accorder le mieux avec celui de la marche.

A quoi va ressembler la suite de votre été ?

Beaucoup d’autres balades à vrai dire. Notamment pour rendre hommage à Rousseau, le promeneur par excellence, dont on fête le tricentenaire de la naissance cet été. Pour certaines d’entre elles, je lirai des extraits de son oeuvre à différents stades de la balade. Je le connais bien et je l’apprécie beaucoup, je lui ai même consacré un livre il y a quelques années. Sa philosophie invite pleinement à la promenade en pleine nature, à regarder autour de nous, à prendre son temps.

(Sa fille, peut-être 2 ou 3 ans, tire sa main, explose de rire, fin de l’interview).

Une dernière question ?

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M. Pierre Corajoud, promeneur de bon goût. De très nombreuses balades (gratuites, que demande le peuple !) vous permettront de le rencontrer au cours de l’été si le cœur et les pompes vous en disent, et de marcher un peu ou beaucoup avec lui. On se croisera peut-être au détour de l’une d’elles.

Si vous habitez près de Lausanne, vous DEVEZ en faire au moins une, satisfait ou satisfait.

9 replies on “Corajoud, c’est le goût”

ah le parc du Languedoc je connaissais, grâce à une riche héritière du coin… Mais la balade des levures m’a fait découvrir plein de coins à Lausanne (et une seule bière, mais quelle bière !)
Le gâteau s’appelle gâteau de Goumois. Et l’Hermitage y a un resto qui a l’air pas dégueu

Raph : beaucoup de travail 😉
Fun : Yep, je le link plus haut. La page des balades 2012, “les balades accompagnées”, est à jour, elle.

@ Raph, @ Shalf : pour le gâteau, il me semble que c’est plutôt Goumoëns (le village vaudois)

Et tu as écouté du jazz en reluquant la maison de ma grand-mère. Si j’avais su je t’aurais demandé de lui apporter un petit pot de beurre et un gâteau de Goumoëns de ma part.

Tu me connais mieux que ça Mam’zelle Cassis. Si je reste avec le dit gâteau plus de 5 minutes, il n’a aucune chance d’arriver chez ta mère grand.

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