Un monde où le gars devant toi dans ce snack de nuit se fait limite agresser au couteau parce qu’il essaye de gruger sur le type de sandwich qu’il a commandé à un tenancier sous l’emprise de la Jupiler.
Un monde où tu trouves tes deux voisins du dessous sur le palier à se raconter leurs déboires à 4 am. Parce qu’ils se sont fait tous les deux cambrioler dans l’après-midi. Parce que c’était leur étage, et que tu n’as aucune explication rationnelle à la question : “pourquoi est-ce qu’on a trouvé bon de foutre en l’air leurs vies, leurs rêves, leurs espoirs, et pas les miens ?” A un étage près, après tout.
Un type dans la force de l’âge que tu as entendu pleurer quand il est rentré et s’est vu dépouillé de ses économies. Une fille belle comme le jour qui ne dormira pas cette nuit, simplement parce qu’elle ne peut plus se sentir chez elle, et qu’elle sait déjà qu’elle ne gagnera pas assez pendant son séjour dans cette ville pour remplacer ce qu’on lui a pris. Des sourires forcés. “Il y a pire ailleurs.” Et toi comme un con qui ne peut pas proposer grand chose, à part écouter.
Ils pensent à ça les gens dans les rues qui parlent d’avenir et de retraites en criant très fort ; les gens dans les cabinets gouvernementaux qui parlent de compromis difficiles et de vivre ensemble et de journées “décisives” ? Je ne crois pas. Pas assez. Et ils devraient.
Rien à voir, ils me diront. Mais la vie elle est là, en priorité. Maintenant. Ce qu’il en reste, un étage en-dessous, derrière des portes fracturées.
Ça arrive tous les jours ? C’est peut-être bien ça le problème.