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A nouveau

A nouveau ces lignes 4, 5, 6 que j’ai beaucoup trop prises, à nouveau l’air et le ciel gris Paname, à nouveau Place d’It’, à nouveau Tolbiac, à nouveau ces allées, ces cafés, ces rues, que je connais encore trop bien. Au taxi qui se trompe, je fais prendre la contre-allée et le raccourci.

Et puis les fantômes. Fantôme de Cee, fantôme d’une vie d’avant, fantôme d’un Paris fantasmé. Pas de regrets, toujours pas, et ça me rassure. Simplement la vie, le courant, la suite. J’arrive à envisager de revenir un jour ici, peut-être. On verra bien, on provoquera, on improvisera.

Je retrouve dans ce bar de quartier tout ce qui fait l’ambiance de café qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Les deux étudiants, manifestement ciné : il donne des idées de scénarios complètement loufoques, elle consigne à la volée sur son notebook. Et parfois elle rit un peu trop fort à ses blagues redites en passant sa main dans ses cheveux. Ils partent, il l’aide à mettre son manteau, hésite ; lui prend la main, enfin. Regards appuyés. Ils flottent un moment, puis quittent la scène.

Il y a Roger (on l’appellera Roger), l’habitué qui habite le quartier. Seul à sa table, casquette savamment posée sur le sommet du crâne, qui lit son Parisien. Parka vintage 1993, indéboulonnable, rassurant à sa manière. Le temps passe plus lentement entre les faits divers du journal de Roger.

Un autre couple. Ça se bécote gentiment mais sans conviction. La partition est rôdée, mais sonne faux. Personne ne veut passer l’hiver seul dans cette ville, on ne peut pas trop leur en vouloir de faire un peu semblant, pour la bonne cause.

La serveuse qui commence ce soir. Gentille, détendue, mais qui ne sait pas s’il y a du Wi-Fi, qui prend le pourboire en rougissant. Et le patron qui parle un peu trop au comptoir, parce que le bar est encore un peu trop vide.

Les passants, parisiens imperturbables, sauvages, intouchables, pressés, défilent. Traversent au rouge. Rentrent la tête dans les épaules et montent le son de l’iPod. Dans la normalité de leur début de soirée, ils s’en foutent complètement que je les détaille, que j’essaye d’imaginer leur vie, d’où ils viennent, ce qu’ils vont faire ce soir.

De l’autre côté de la rue, une cave à vin, une boulangerie, une banque, un libanais. Un coin de rue comme il y en a des centaines, mais qui te fait dire que oui, tu es à Paris. C’est peut-être ça, les racines, se sentir à la maison : l’écrasante banalité qui ne ressemble à aucune autre, qui ne sent pas pareil. Celle que tu peux reconnaître à l’aveugle entre mille. C’est chez toi, tout simplement.

T’es toujours aussi pédante, tu pues toujours autant du métro, Paris, mais je peux bien te le dire après tout : tu me manques un peu quand même. Comme une amante dont on connaît chaque bout de peau, chaque frisson, chaque manie, jusqu’à l’ennui. Avec laquelle on se retrouve à nouveau parfois incidemment au lit, dans un moment de confortable égarement. Mais qu’on a bien quitté pour une raison, même si on ne s’en rappelle pas toujours très bien sur le moment.

*

Après ce début de soirée un peu qu’est-ce que le fuck, je retrouve Isa, et c’est parti pour la Flèche d’Or rénovée, pleine à craquer : The Walkmen in town tonite!

Que dire ? 40°C, déjà.

Une groupe comme à la maison. Et heureux d’être là, sincèrement. Ce petit mot glissé par un poète spectateur à la fin de Woe Is Me (peut-être) : « Bisous les gros ! »

Et gros, ils l’ont été, sans problème.

Comme toujours, les deux premières choses qui me frappent chez eux étaient là, prêtes à m’absorber immédiatement : la posture sur scène de Hamilton Leithauser, ses bras collés au corps, ce dos désarticulé ; et le jeu incroyable de régularité de Matt Barrick derrière ses drums.

Il y a ce moment à la fin de cet inespéré The Rat, où je sais pourquoi j’écoute leur musique, pourquoi je suis là, pourquoi tous ces gens sont là : le plaisir de l’émotion vraie, sans masque, sans fard, sans triche, sans révolte bavarde. Simplement ressentir.

Il y a des bouts d’âme entre les ring shots et les cymbales de Barrick.

Quelques verres plus tard, et après avoir provoqué involontairement un duel de lolfluence entre deux twittas, retour à la base.

*

Un samedi sous les auspices de la bouffe et du riz :

       Brunch gargantuesque au Café du Rendez-Vous ; cadre, service, assiettes impeccables (M° Denfert).

       Rubber au MK2 Hautefeuille. Un film génial, des chiottes d’après séance à l’apocalyptique odeur de pisse antique.

       Apéro au Troll de Ledru-Rollin, un p’tit bar à bières avec un barman qui te tutoie sympathiquement, un très bel assortiment de bières belges bien servies, et du Creedence en playlist.

       Et enfin, dîner magnifique à tous points de vue orchestré par la charmante Morue, qui en parle sur son bout de cuisine 2.0 à elle.

Retour par le premier métro vers 7am, la fraîcheur incarnée.

*

Pour achever proprement ce week-end de gagnance, j’ai flâné dans les couloirs de la très agréable (et complète) expo Brune/blonde de la Cinémathèque Française, que je conseille fortement, avant de rentrer à Bruxelles.

Epuisé, mais tellement détendu ; riche de sons, d’images, de gens. Merci beaucoup Isa pour la logistique, et tous les foufous croisés : vous m’avez fait beaucoup de bien.

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All My Great Designs

Le pardon, le lendemain, la tristesse, les regrets, les brocolis : autant d’éléments du réel qui n’ont, au mieux, aucune utilité ; au pire, la capacité de faire chier le monde quelque chose de puissant (surtout les brocolis).

Alors on lutte, on refuse, on s’arc-boute, on se rebelle, on dit « non ! », puis « putain j’ai dit non, ça va aller maintenant ! », on avance, on pense au dessert. Parce qu’il n’y a pas de raison d’abandonner ou de changer d’avis. Parce qu’on assume, responsable, apaisé. Pourtant, ça ne suffit pas toujours.

Il y a les proches insaisissables qu’on ne sait comment aider. Les malades sous morphine à qui on ne sait pas comment dire que si, ils vont crever, qu’on les aime, mais qu’on ne peut rien y faire, et que ça ne va pas être beau à voir. Les gens qu’on aime, comme ça, on ne choisit pas toujours (le sang, l’émotion, la vie. La connerie ou l’inconscience aussi, parfois), mais qui n’en ont pas toujours envie. Ceux qui nous manquent, à vie. Et puis ceux avec qui, heureusement, c’est simplement vrai et facile.

Il est 3am, The Walkmen m’envoient un peu de courage en direct de Lisboa depuis quelques heures, en boucle. Pour me rappeler pourquoi c’est important d’être vivant, ému, faible ; et pourtant debout, les yeux vers le haut.

Demain je ne prendrai pas le train. Oh, je devrais survivre, je le prends vendredi. Pour aller voir et écouter The Walkmen, justement. Voir la Grande Ville aussi, les gens qui m’y manquent, la fureur, le bruit, les venti lattés, la Tour Eiffel par la baie vitrée de chez Isa, quelques films, des expos. Un peu futile, un peu inutile, mais j’en ai besoin.

Dans un mois, j’ai trente ans. Je n’ai jamais été aussi paumé. Objectifs, moyens pour les atteindre, envies, vision et horizon. Rien n’est en place, rien n’a de sens. Aucun sentiment d’accomplissement ou de jalon solidement posé pour préparer la suite. Mais pour la première fois, peut-être, je l’accepte. Je suis le courant, en essayant de le fléchir un tout petit peu chaque fois que c’est possible. « The sky above is blue as your blood. », les cuivres de Stranded

Putain, c’est pas gagné. Mais c’est bon d’être encore là.