Categories
Old Tumblr Uncategorized

Soirée de poche – The Morning Benders

http://liveweb.arte.tv/flash/player.swf?eventId=1615&admin=false&mode=prod&priority=one&embed=true

ENFIN ENFIN ENFIN !

Categories
Old Tumblr Uncategorized

Bending Strings, Banging Heads

The Morning Benders, Club de l’Ancienne Belgique, 28 septembre 2010.


 © Kmeron


Eh oui, vous êtes bien sur le blog toujours à la pointe de l’actu’ du mois dernier !


19 heures. Escaliers qui montent à l’AB Club. Arrivé en avance, j’ai tout le temps de me souvenir. Cette soirée de poche magique fin juin. Des visages, des émotions, tout ça revient assez vite en surface. C’est assez facile dans la mesure où j’ai écouté Big Echo, le deuxième album du quatuor californien, en boucle, tout l’été.

Excuses à quatre voix chorales sous cette verrière où tout le public a bien cru y rester de déshydratation, malgré les 1664 tièdes réglementaires de survie. La reprise du Dreams de Fleetwood Mac, simplement venue de l’espace. Ce Street Spirit de Radiohead dans le patio, placé par un Christopher Chu en pleine grâce. Le bœuf magique avec Andrew Bird et St. Vincent. Bref, quatre heures de show. Il sera bientôt temps de revivre tout ça avec plein de picotis traversant l’échine, quand la vidéo de cette Soirée de poche légendaire de la Blogothèque sera disponible (Chryde avait parlé de début octobre). Et on a déjà eu un petit bout de rêve pour patienter.

 

Dans ces escaliers, je patiente, justement. Le Club de l’Ancienne Belgique, cette petite salle située au-dessus de la salle principale, est encore quasiment vide. Puis je croise par hasard deux des trois membres de la section rythmique dans l’escalier (Julian Harmon le batteur, et Jon Chu, principalement à la guitare rythmique, un peu de clavier parfois, et chœurs). Leur simplicité et leur humilité, qui les avait même un peu desservi face à l’aisance de Chris, le frontman (chanteur, lead guitar, songwriter), lors de la Soirée de poche, ne se démentent pas : sourire, léger signe de tête, « hi ! ». Ils ont tourné tout l’été, aucune chance qu’ils m’aient reconnu, ce que confirmeront la poignée de main et la signature des autographes, plus tard, après le concert.

 

J’ai la chance de pouvoir occuper le premier rang, collé aux caissons de basse, dès la première partie, assurée par les énergiques locaux de Broken Glass Heroes. A la transition entre les deux groupes, c’est Tim Or, le bassiste, qui fait son apparition et vérifie son matériel. Son calme (et l’attention particulière et soutenue dont il avait fait l’objet par une fan plus qu’enthousiaste, mais c’est une autre histoire) m’avait marqué. Je devais le découvrir plus tard survitaminé, simplement heureux de faire sonner ses cordes à en déboîter son ampli.

  © Kmeron

Chris Chu monte sur scène, le groupe est au complet. Son sourire fait le travail, le public est tout de suite acquis. Le groupe a fait le choix d’entamer ce set avec Stitches. Et c’est tout de suite un choc. La version acoustique entendue en début d’été, puis l’album, ne m’avaient pas préparés à ça : Tim a mis une testostérone incroyable dans ses cordes. Sa Rickenbacker noire, puissante, enveloppe la voix qui résonne « You don’t know me by name… »

 © Kmeron

La sensation se précise sur Promises, qui là ne laisse plus aucun doute, dès les premières notes. On va manger de la basse dans la tête toute la soirée, et on va aimer ça. Oh que oui.

Wet Cement, une de mes chansons préférées de l’album, sera interprétée très tôt également. L’album est déroulé : Pleasure Sighs (Chris et Jon vont pousser les guitares avec un plaisir évident), Hand Me Downs (Julian se rappelle à notre bon souvenir, lui aussi peut faire du gros son avec ses toms).

 © Kmeron

A sa manière habituelle, très à l’aise avec le public, Chris essaye de réveiller un peu ce club sous influence : jusqu’à la fin je vais me demander si les présents ne connaissent simplement pas les chansons, ou bien s’ils sont sous le charme. « Do you feel like dancing? » Mais ils sont bien peu, ceux qui vont remuer un peu les hanches ou chantonner.

 

Tout ça passe très vite. C’est déjà un All Day Day Light musclé qui vient nous chatouiller les esgourdes, là encore réorchestré.

 © Kmeron

Le set s’achèvera sur Excuses que Chris tentera de rendre choral, comme quasiment chaque soir de la tournée. Mais le public bruxellois ne suit malheureusement tout simplement pas. Rien qu’une loop pedal ne peut résoudre, et il s’y emploie.

Chris et Tim finiront la chanson et le concert, à genoux, prostrés sur leurs pédaliers, prenant plaisir à faire durer la performance jusqu’à la dernière goutte d’ampli.

 

Le groupe prendra encore un long moment pour vendre eux-mêmes T-shirts, singles, LPs et CDs, signer des autographes en rafale, serrer des mains, et parler avec les fans. C’est peut-être un bon quart de la salle qui va défiler ainsi devant le stand. On dirait qu’ils ne veulent pas partir, c’est touchant. Une jolie brunette rentrera même à la maison avec les baguettes du concert, signées par un Julian rougissant.

J’ai pu parler un peu avec les frères Chu, évoquer la Soirée de poche, et voir leurs visages s’illuminer à ce souvenir. Ce LP signé ramené dans ma besace vaudra peut-être cher un jour. En attendant, j’ai encore passé un excellent moment en leur compagnie.

Et si Big Echo vous semble gentillet, allez les voir sur scène (c’est-à-dire, si vous êtes aux Etats-Unis en ce moment), vraiment. Une autre dimension, de la vraie sueur, des amplis qui ne sont plus en rôdage. Ils y mettent une énergie sincère, ils aiment ça, tous les quatre. Et ça fait du bien à l’âme.

Je n’ose imaginer la rencontre d’un Chris Chu en forme avec un public survolté, dans une salle un peu plus grande. The Morning Benders n’ont pas fini de donner et de recevoir du plaisir en concert, et on a envie de vivre ces nuits-là.

 

 

 

En plus du Virgins exclusif pour la Blogo linked plus haut, les Morning Benders ont récemment enregistré Outlaw Blues dans le cadre d’un album hommage à Dylan, titre que vous pouvez retrouver en téléchargement légal gratuit sur le site du groupe.

Les superbes clichés qui illustrent cette note sont tous signés et gentiment prêtés par Kmeron.

Retrouvez toutes les photos du concert (et de bien d’autres) sur son Flickr (son blog, sa page Facebook).

Categories
Old Tumblr Uncategorized

Tirons la langue aux amours platoniques

Un peu au débotté, je me suis donc rendu à l’Avant-Première du second film de Xavier Dolan, “Les Amours Imaginaires”, suivi d’une séance de questions – réponses avec le réalisateur et ses deux acteurs principaux. Leur passage à Bruxelles suivait la présentation du film au Festival international du film francophone de Namur (dont vous chercherez une page propre sur le net si ça vous amuse, j’ai abandonné assez vite, pour ma part).

J’aurais vraisemblablement été plus sévère si ça ne tenait qu’à moi, mais vous savez ce que c’est : quelqu’un à qui vous tenez vous conseille d’aller le voir, et puis y’a un Q&A assez drôle et touchant de plus de vingt minutes avec l’équipe du film à la fin…

Xavier Dolan donne envie de voir ses films de dans cinq ans, à la façon dont il parle du cinéma. Niels Schneider donne envie de quitter la salle cinq minutes plus tôt du fait de ses mauvaises manières (décrocher son portable en en faisant des tonnes en pleine interview, c’est la grande classe). Monia Chokri donne envie d’aller boire cinq cafés avec elle au bar le plus proche et pas seulement pour parler de sa sublime grimace au photocall de Cannes.


Photo : upi.com


Le film souffre de lenteurs : les fameux ralentis par exemple, désamorcés avec beaucoup de sincérité par le réalisateur devant une salle convaincue a posteriori – Il voulait décrire le flottement de l’état amoureux, et plus précisément sur son actrice, “J’aurais pu la mettre en leggings à 24 fps, j’ai préféré la robe des 50’s, leeeeeentement.”

Il nous dit ça avec une émotion désarmante. Quelqu’un a le mauvais goût d’insister en demandant s’il a calqué beaucoup de lui dans les situations qu’il nous montre. Avec beaucoup d’élégance et un peu de crispation, il donne presqu’envie de les aimer, ces ralentis. Cette glissade, gauche, touchante, avec le sentiment partagé, ou l’autre qui “a quelque chose sur le feu”, ‘quand même’, en butée.


Il y a aussi des imprécisions, des détails de faiseurs (foutus filtres couleur). Les “amoureux lambdas” comme Dolan les appelle, sont eux particulièrement réussis (l’emprunt à l’attente de Barthes, et d’autres, précisés avec humilité en interview), ou encore le détail dans l’accessoire (les chaussures complètement improbables de Marie quand elle quitte la “campagne”, le jeu avec le livre sur l’appui de la fenêtre pendant la scène du thé.). La relation entre Francis et Marie, qui puise tant, on le devine, on le sent, on le voit, dans la complicité du réel entre leurs interprètes, touche aussi beaucoup, surtout dans les scènes finales (le “un an après”).
Et puis les lumières se rallument, et ça passe assez bien.

Par contre, Monia. S’il te plaît. Plus jamais tu ne lui suggères au montage, comme dans une embuscade de canyon, les suites pour violoncelle seul de Bach. Merci.

6/10 sur senscritique.com

Categories
Old Tumblr Uncategorized

La mise au rebut du lundi #1

En cette magnifique journée, ma préférée entre toutes chaque semaine, instaurons une tradition. Je ne le dis pas souvent, mais je suis un grand procrastinateur. Et ça touche également et surtout les choses que j’aime faire, comme écrire ici, sinon c’est moins drôle.

Cette série, ce sera donc : “Tout ce qui aurait dû faire l’objet d’une note mais que vous ne lirez pas”. On mettra donc tout ça à la poubelle régulièrement et méthodiquement, certains lundis, vu que de toute façon on n’a pas grand chose de plus constructif à faire ces jours-là.

A la décharge ce lundi :

– La critique de mes Film Days 2010 #3 et #4, à savoir Despicable Me, et Io Sono l’Amore. Pourtant j’ai passé une très bonne soirée de cinéma. Et cette scène avec ce plat d’écrevisses… Je tricherais peut-être avec le second, si je retourne le voir.

Mon trépidant voyage éclair Bruxelles-Lille-Bruxelles-Lille-Bruxelles. Du train, des farces-et-attrapes, des cafés, Tropismes, une coccinelle, une demie-bière au moucheron, du train, un dodo, du train, le sweat-shirt de l’angoisse, cousin Machin, des cafés, un pavé, la boue, une terrasse australienne, l’Opéra, quelqu’un de bien, le spleen, un sandwich au fromage, l’architecture ferroviaire, des cafés, du train, et Lou Reed. Mais comme ça me fend le cœur de passer ça à la trappe, je vous dépose quand même deux magnifiques autant que fins clichés.

 

A échappé au grand nettoyage des brouillons, mais ça ne s’est pas joué à grand chose :

Le concert des Morning Benders au Club de l’Ancienne Belgique. Je ne sais pas quand, mais je vais l’écrire.

Voilà, ce sera tout. Mais c’est déjà un peu trop.

Categories
Old Tumblr Uncategorized

kms1: Hang the DJ (Jack Nicholson)

kms1: Hang the DJ (Jack Nicholson)
Categories
Old Tumblr Uncategorized

Hot Was The Night (Virgins, by The Morning Benders)

Hot Was The Night. (Virgins, by The Morning Benders).

Categories
Old Tumblr Uncategorized

Film Days 2010 #2 – The Town

Mini-critique parce que quelques verres avant et beaucoup trop après pour en dire autre chose :

La brune est superbe (aaah Rebecca Hall).
La blonde est quelconque.
Le malfrat est malin.
Ses potes sont loyaux.
Et ça nous suffit pour passer un bon moment.

Photo : screenrush.co.uk

Categories
Old Tumblr Uncategorized

Film Days 2010 #1 – Wall Street: Money Never Sleeps

24-25-26 septembre 2010 : ce sont les filmdays.be. A cette occasion, plusieurs films en avant-première parfois très en avance sur la date de sortie prévue dans le bon Royaume de Belgique. Voyons ça.

Premier de la série : Wall Street: Money Never Sleeps, Oliver Stone.

On a envie de hurler assez vite que non “Greed ain’t that good!”

Shia LaBeouf est un acteur complet : Shia fait de la moto, Shia va à un gala de charité, Shia regarde la télé, Shia achète une bague, Shia fait sa demande en mariage en chialant.

Mais Shia a un regard vraiment insupportable. Un cocker battu qui sent la pluie. On a envie de le frapper au premier plan serré où on s’en aperçoit. Oh on le savait, vous pensez bien, mais vu qu’on est là pour Michael Douglas, on avait fait semblant d’oublier. Fatale erreur.

Les yeux de Douglas, eux, puent le fric, la rancœur tenace, la revanche. Vert dollar. Brillants de saloperie. Ils font le film.

Les deux scènes où Oliver Stone joue entre Gekko et le personnage de sa fille, tenu (on ne dira ni joué, ni interprété, soyons honnêtes) par une Carey Mulligan décevante, à des années-lumière de la grâce dégagée dans An Education, sont un calvaire visuel. Deux expressions de visage pour tenir tout un film, c’est un peu léger, Carey.

On va s’épargner un commentaire trop long de la morale finale assez niaise, surtout au vu de la construction du récit. “Human beings, you gotta give ‘em a break.” traduction : on fait des coups de pute, à coups de 100 millions de dollars, mais c’est pas nous, c’est la société la méchante. Alors pour se faire pardonner on file le fric au génie qui est en train d’inventer l’énergie propre du futur. Ok.

Allez le voir pour Frank Langella (en mentor désabusé superbe) et Michael “Gordon the Gekko” Douglas. Les papys tiennent la baraque, mais ils sont bien seuls.

Bon allez, Josh Brollin s’en sort bien en requin grande classe qui sait presque prononcer le nom de son tableau de Goya, mais ne fait pas le poids face à Douglas dans la même catégorie, ne soyons pas si méchants.

– Mais qu’est-ce que je fous là entre ces deux gamins mono-expressifs ?


tl;dr Je te mets ma critique #microvk pour la route :

“L’insupportable regard de cocker de LaBeouf face aux yeux vert dollar de Douglas – Money Never Sleeps: Greed ain’t that good.”

(également publié sur senscritique.com 4/10 – comme la terre entière, j’ai plein d’invitations si le videur ne te laisse pas rentrer.)

Categories
Old Tumblr Uncategorized

Soirée de poche – The Walkmen

http://liveweb.arte.tv/flash/player.swf?eventId=1574&admin=false&mode=prod&priority=one&embed=true

J’ai envie de dire, vivement le 19 novembre.

chamoi:

The Walkmen Soirée de Poche

Categories
Old Tumblr Uncategorized

Jazz, passions et dépendance

– Pourquoi j’ai tant besoin des passionnés.


Ils sont toujours impressionnants. Intimidants. Il y a les humbles, ceux que l’on pourrait écouter ou lire des heures, des jours. Mais aussi ceux un peu trop certains de leur maîtrise, vite ennuyeux et ennuyants. C’est parfois compliqué : les taiseux, dont il faut gagner l’approbation patiemment, pour qu’ils se livrent enfin. Et les intarissables bavards, chez qui il faut trier dans le flot incessant, et dense pourtant, inégal de temps en temps, mais pour lesquels ma propre personnalité me pousse à une indulgence complice.

 

Alors qu’il essayait de m’inculquer la leçon de vie la plus décisive de mon adolescence, mon père se lamentait : « Mais tu n’as aucune passion ! » Il avait en tête ma future activité professionnelle, et je contournais alors l’obstacle en feignant de croire qu’il est possible sur le long terme de gagner sa vie grâce à une activité génératrice d’ennui profond, sans développer une aigreur tenace. Malgré ce contresens assumé entre nous, il touchait là du doigt un point essentiel.

Plus de dix ans après cette discussion, j’ai compris la valeur de la vraie passion. Nous n’en avons pas parlé ensemble depuis longtemps lui et moi, mais le souvenir de ses paroles, et ses implications, sont tenaces.

Petit à petit, je me fais à l’idée que je ne serais vraisemblablement jamais un passionné pointu, l’érudit flamboyant du sujet d’une vie. Une mémoire vagabonde et approximative, déjà. Et puis cette inconstance qui pousse à changer sans cesse de sujet d’étude, même quand il ne s’agit pas d’étudier au sens strict. La peur de la lassitude, mais pas seulement. La curiosité et le renouvellement permanent qu’elle apporte.

Bien sûr, au jeu de la définition personnelle, je peux dire que « j’aime » les livres, les mots, le cinéma, une certaine musique, par exemple. Je peux énumérer avec un peu d’aisance et commenter tous les derniers du moment, pourquoi et comment ceux-là : dernier film vu, dernier concert vécu, dernier son entendu, livre en cours de lecture. Faire illusion si je veux auprès des non curieux qui font le choix, tristement inconscient ou cyniquement déprimant, de rester à la surface des choses, par confort. Bien sûr.

 

Les réels passionnés font partie d’un tout autre monde. En raison de leur réelle connaissance encyclopédique, pour commencer. Mais bien évidemment aussi pour leurs réalisations, pour ceux qui réussissent à dompter la passion et à l’adjoindre à un don. J’aime admirer les passionnés comme ils admirent leur sujet de prédilection, explorant et étendant sans relâche leur territoire. D’une certaine façon, ils ont été ma thérapie contre l’égoïsme naturel qu’on prête volontiers aux fils uniques. Ils m’ont permis de réaliser la valeur de l’écoute réelle, parce qu’il est toujours intéressant d’écouter attentivement quelqu’un parler de ce qu’il possède et qui le possède, quand cette réalité nous est étrangère.

Oui, j’aime profondément les gens qui aiment faire aimer aux autres, partager. Et qui sont doués pour ça.

 

Depuis quelques temps, au hasard des rencontres et des conversations, j’ai la chance de croiser de nombreux passionnés authentiques : hommes, femmes, jeunes et moins jeunes. Apaisés ou fiévreux, artistes ou spécialistes. C’est toujours un enrichissement profond, quoiqu’un peu douloureux : il y a cette petite pointe d’envie, qui se mue vite en la douce nostalgie familière, même si l’habitude aidant cela devient moins douloureux – saudade.

Nous sommes cousins, non pas frères. Je peux vivre avec ça, puisque j’ai la chance de me rapprocher d’eux malgré tout. Et de les laisser continuer à enrichir ma vie, par tout ce qu’ils puisent dans la leur et acceptent de me confier en partage sans que cela les appauvrisse.

Peut-être que leur contact répété me permettra de me réveiller un jour sur le tard authentique passionné, avec tout ce que ça suppose, par capillarité. C’est à la fois mon souhait le plus cher, et ma plus grande crainte : je sais combien leur responsabilité dans l’épanouissement des autres est centrale.


AdmirationDR

Je vais essayer de vous décrire la photographie qui illustre ces confessions nocturnes, et pourquoi je la trouve si joliment adaptée. On y voit avant tout ce visage d’ange brunette tourné vers un homme, assis, qui la surplombe. Son sourire, l’intensité de ce regard qu’ils échangent. Ils sont trois, puis des dizaines, ils sont bien plus que deux, à eux deux : ce qu’ils partagent, sans parole, en se frôlant à peine, est plus fort que la simple addition de leurs êtres.

J’ai envie de croire que c’est leur première rencontre qui a été capturée ainsi. Et déjà tout est dit entre eux, et éclate dans une profusion d’évidence. Au second plan, un autre homme constate, appareil photo en main, bienveillant. Lui aussi a compris ce qui se passe.

Juliette Gréco dévore Miles Davis de ses grands yeux, qui le lui rend bien. Boris Vian les chaperonne amicalement.

C’est un passionné, évidemment, qui m’a fait découvrir cette image (*). Les livres, les interviews, nous apprennent combien l’histoire entre eux fut, à tous points de vue, magique. Pas assez pour vaincre les puissants tabous de l’époque, mais suffisamment pour nous pousser un peu à la rêverie.

Décrivant cette première rencontre (#), Gréco explique combien elle se sentait insignifiante devant la puissance solaire qu’était le jazzman de 22 ans, sur scène et dans la vie. Elle a été touchée par sa présence musicale, ils se sont aimés avec fulgurance, sans les mots (lui ne parlait pas français, elle pas anglais). Miles revient lui aussi en détail sur leur histoire dans son autobiographie. L’amour d’une vie, peut-être.

 

Il y a dans le visage de Juliette cette admiration sans borne, cet amour si pur qu’il en deviendrait presque gênant pour les autres. Il y a dans le regard que Miles lui porte en retour ce respect mutuel, jamais condescendant. Ce plaisir simple mais puissant de donner et de recevoir simultanément.

La même admiration qui me pousse à chercher la compagnie d’authentiques passionnés, le même plaisir pour eux peut-être. A la différence près que Juliette Gréco deviendra elle aussi très vite une grande artiste. J’espère sincèrement tourner aussi mal qu’elle du fait de ce genre d’influence.

Et quand bien même cela ne serait pas, j’aurais au moins croisé chemin faisant ce qui chasse la grisaille molle du relativisme, ces personnes uniques et leurs passions déraisonnables si nécessaires, parce qu’elles embellissent le monde.

_______________

(*) Tous droits réservés. Malgré quelques recherches, je ne suis pas parvenu à retrouver l’auteur ou à dater précisément le cliché. La première venue de Miles Davis à Paris et sa rencontre avec Gréco ont lieu en 1949. Il reviendra en 1956. A lire aussi : Miles Davis: a love affair with Paris.

(#) Dans une interview au Guardian, 2006, à l’occasion de l’anniversaire de naissance des 80 ans du jazzman.

 

Instant fanboy final : Enfin, si comme moi vous n’y connaissez rien ou presque au jazz en général, et sur Miles Davis en particulier, je vous conseille l’excellent (oui, oui) article, toujours de KMS, invité en voisin par la Blogo : Call It Anything, pour avoir envie de changer ça.